La rénovation énergétique d’une copropriété, c’est compliqué, il faut mettre tout le monde d’accord. L’investissement est ­pourtant plus gagnant que les travaux réalisés au coup par coup.

Un ravalement qui devient indispensable ? Une toiture à refaire ? Le moment est idéal pour songer à entreprendre la rénovation énergétique de sa copropriété. « Embarquer la performance énergétique » à l’occasion de gros travaux est l’expression consacrée. Facultative à ce jour, l’option devrait devenir obligatoire avec la parution du décret qui doit mettre en musique cette mesure de la loi sur la transition énergétique. Mais il y a d’ores et déjà de bonnes raisons de se lancer dans une rénovation ambitieuse. D’abord les factures d’énergie, prohibitives dans les immeubles mal isolés ; ensuite le manque de confort, entre humidité, parois froides, condensation et degrés manquants ou surchauffes selon l’emplacement du logement ; enfin, la valeur patrimoniale de son bien, qui dépend de plus en plus de sa classe énergétique. Amener sa résidence en classe B, c’est assurer une plus-value à tous les copropriétaires. Construits pendant les Trente Glorieuses, avant le premier choc pétrolier et l’ébauche d’une réglementation thermique en 1975, nombre d’immeubles pas isolés du tout sont classés E, F ou G. Et ça ne va guère mieux jusqu’en 1984, avec des épaisseurs d’isolant limitées à quelques centimètres. Face aux construc­tions BBC (bâtiment basse consommation) devenues la règle depuis trois ans, l’écart de prix se creuse. Les immeubles construits depuis les années 1990 sont les seuls à ne pas nécessiter de rénovation énergétique d’envergure. La mise à niveau des copropriétés estampillées « passoire énergétique » s’impose donc.

Le rôle clé du conseil syndical

Un projet de rénovation en copropriété repose avant tout sur le conseil syndical. Il lui faut tout connaître sur l’immeuble, ses équipements, ses consommations d’énergie, ses dysfonctionnements et ses problèmes de confort. L’ARC (Association des responsables de copropriété) propose 2 outils pour avoir une bonne connaissance de sa copro : le « bilan initial de la copropriété » et le « bilan énergétique simplifié », téléchargeables gratuitement. Des documents à lire et à remplir avant de contacter des prestataires pour un audit. Il est utile d’être accompagné dès le départ, par un conseiller énergie ou par l’ARC si on est adhérent.

L’audit doit être global

L’audit énergétique a beau être une obligation, l’immense majorité des copropriétés qui ont besoin d’une rénovation performante n’ont pas grand-chose à en espérer. « Je n’ai jamais vu un audit énergétique déboucher sur une décision de travaux », assure Carine Nicolas, conseillère des copropriétés à l’Agence parisienne du climat. « L’obligation d’audit n’est pas pertinente, confirme André Pouget, à la tête du bureau d’études thermiques Pouget Consultants, dont c’est pourtant le métier ! Elle crée des opportunismes, certains font de l’audit pour faire de l’audit. » Mais le bon audit existe. « L’audit énergétique est à la fois trop technique, trop limité et trop théorique, il ne répond jamais aux questions des copropriétaires, tranche Julien Allix, responsable du pôle énergie à l’ARC. Nous préconisons l’audit global, associant un bureau d’études thermiques, un architecte et un ingénieur financier (ce peut être un conseiller énergie). Il se discute avec le conseil syndical, il tient compte de l’architecture, de l’état du bâti, de ses pathologies, indique les coûts des travaux proposés, les économies d’énergie correspondantes, calcule le montant des aides, les financements possibles et la part de chacun pour les différents scénarios de travaux proposés en accord avec le conseil syndical. L’assemblée générale peut se prononcer en toute connaissance de cause. » À l’ARC, on parle d’« audit global partagé », à l’Agence parisienne du climat, chez Énergies Posit’if et dans les structures qui animent CoachCopro, d’« audit énergétique et architectural ». Seule différence : l’audit façon ARC associe, plus étroitement, le conseil syndical. L’audit global est plus cher qu’un audit énergétique, 150 € par logement au lieu de 90 à 110 €, mais ce n’est pas de l’argent jeté par les fenêtres, et il peut y avoir des subventions.

Le niveau à viser

Tant qu’à engager des travaux, il faut être ambitieux et viser le niveau BBC rénovation : « Isoler par l’extérieur avec une épaisseur de 14 à 16 cm, changer les fenêtres pour du vitrage peu émissif, opter pour une chaudière gaz à condensation et une bonne ventilation », résume André Pouget, un des coauteurs du Guide ABC, Amélioration thermique des bâtiments collectifs construits de 1850 à 1974.

Les travaux double-vitrage

« Les travaux ponctuels réalisés sur un seul élément du bâti s’avèrent peu efficaces sur le plan énergétique, souligne l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Changer son système de chauffage sans agir sur l’isolation ne réduit pas significativement les factures, les besoins restant inchangés. » Murs et vitrages sont l’enjeu majeur.

> L’isolation par l’extérieur, incontournable

Façades classées et anciennes mises à part, l’isolation thermique par l’extérieur s’impose. Très chère a priori, elle devient abordable dès qu’on l’associe au ravalement. Les échafaudages étant en place, la préparation de chantier effectuée, son surcoût est d’autant plus limité qu’elle donne droit à des aides financières. Énergies Posit’if a fait les comptes : le surcoût d’une isolation par l’extérieur à l’occasion du ravalement s’amortit en 6 à 8 ans maximum par les économies d’énergie.

> Le remplacement des fenêtres, concomitant

Même si la rénovation est prévue par étapes, il faut « faire les choses dans l’ordre », assure l’Ademe. Isolation par l’extérieur, remplacement des fenêtres et ventilation constituent une seule et même étape. Le système de chauffage peut attendre pour être dimensionné plus tard en fonction de la réalisation des étapes précédentes, les besoins étant alors très réduits.

> La ventilation, rempart contre les moisissures

Pas question d’isoler et de changer les fenêtres sans prévoir un système de ventilation performant ou d’améliorer l’existant. Seule la ventilation évite la condensation et les moisissures.

Les coûts

« Une rénovation de niveau BBC à 80 kWh/m2 par an, c’est un coût de 20 000 à 35 000 € pour un F3 de 60 m2, mais on obtient entre 30 et 35 % d’aides », explique un consultant qui accompagne les copropriétés d’Île-de-France dans leurs projets de rénovation énergétique globale. « Il est absurde de ne parler de rénovation BBC qu’en termes de retour sur investissement. Un immeuble ravalé sans isolation continue à chauffer l’extérieur, il n’y a jamais de temps de retour sur investissement. Alors qu’en rénovant BBC, entre les économies d’énergie, le gain de confort et la valorisation de son patrimoine, on est toujours gagnant. »

L’isolation thermique par l’ex­térieur faite pour elle-même coûte cher, entre 150 et 200 €/m2 pour 15 à 20 cm d’épaisseur, enduits compris. Son sur­coût en cas de ravalement n’est que de 40 €/m2. À ce prix, il est dommage de ravaler sans isoler. Seules les façades tout en baies vitrées et balcons peuvent entraîner un surcoût important qui fait renoncer. Le changement de fenêtres est le poste le plus coûteux, de 300 à 350 €/m2. Contrairement à l’isolation par l’extérieur, il ne se rentabilise pas en temps de retour sur investissement, mais c’est un gain inestimable en termes de confort et qui valorise le bien.

Le financement

> Les aides locales

La structure locale de l’énergie (voir « Les sites et contacts utiles » plus loin) vous renseignera sur toutes les aides publiques disponibles. Ainsi, en Île-de-France, le conseil régional soutenait la rénovation énergétique BBC des copropriétés jus­qu’à 25 % en 2015. Nantes Métropole et d’autres collectivités locales concentrent également leurs subventions sur la rénovation BBC.

> Le crédit d’impôt

Chaque copropriétaire a droit au crédit d’impôt de 30 % sur l’isolation et les équipements, à concurrence de 8 000 € pour une personne seule et de 16 000 € pour un couple.

> Les certificats d’économie d’énergie (CEE)

Le montant des CEE générés par les travaux d’économies d’énergie est versé à la copropriété. Mais le marché n’étant pas porteur actuellement, il ne faut pas en espérer beaucoup.

> Les prêts

Chaque copropriétaire a droit à un écoprêt à taux zéro individuel, ou à un écoprêt à taux zéro collectif voté en assemblée générale de copropriété, auquel chacun est libre de souscrire ou non. Attention, les copropriétaires aux revenus confortables n’y ont aucun intérêt, le cumul avec le crédit d’impôt leur étant impossible. Mieux vaut dans ce cas conserver son droit à crédit d’impôt et s’orienter, si besoin, vers un prêt bancaire plus classique. Le prêt bancaire à taux préférentiel spécifique aux économies d’énergie est alors tout indiqué. Selon les régions, la meilleure offre ne vient pas toujours du même réseau bancaire ; renseignez-vous auprès de la structure locale de l’énergie qui saura vous orienter.

> Les aides de l’Anah (Agence nationale de l’habitat)

Les copropriétaires aux revenus modestes bénéficient d’aides de l’Anah qui peuvent être importantes et se cumulent avec le crédit d’impôt. « Avec une prise en charge pouvant atteindre 75 à 80 %, un copropriétaire aux faibles revenus est aussitôt gagnant en cas de rénovation énergétique BBC », assure le président d’Énergies Posit’if.

Deux exemples de rénovation réussie

De la classe E à C, facture nette : 4 500 € par logement

Une facture de gaz qui n’en finissait pas d’augmenter, des problèmes de confort, les appartements ne dépassant pas 17 °C en plein hiver côté pignons quand il faisait 23 °C ailleurs… ça ne pouvait plus durer. En 2010, le conseil syndical de cet immeuble de 110 logements construit dans les années 1970 prend les choses en main et se tourne vers l’Agence parisienne du climat. L’indispensable audit, subventionné à 70 %, juge l’état du bâti et des ouvrants « mauvais ». « On ne voulait pas dépasser 10 000 € de dépenses par appartement. L’audit nous a donné tout un choix de propositions avec les coûts correspondants : on a opté pour le bouquet de travaux qui nous promettait un temps de retour sur 15 ans et 38 % d’économies d’énergie, détaille Gérard Andrieux, président du conseil syndical et cheville ouvrière du projet. On a fait une isolation par l’extérieur des pignons, on a isolé la toiture terrasse, remplacé les 400 baies vitrées et fenêtres par des doubles vitrages performants, amélioré la régulation du chauffage, limité le débit pour certains et rehaussé pour d’autres. » Deux ans après, le gain en confort est spectaculaire, la satisfaction générale. L’immeuble est passé de la classe E à C pour un coût net moyen de 4 500 € par logement. La seule réserve porte sur les - 38 % promis . « On est à - 33 % seulement », précise Gérard Andrieux, tout en reconnaissant que la copropriété se chauffe à 22 °C !
Coût des travaux : 762 000 € dont 540 000 € pour les baies vitrées et fenêtres après une rude négociation, les devis initiaux allant de 700 000 à 1 500 000 € !
Coût net après crédit d’impôt et subventions : 450 000 €.

De la classe E à B, facture nette : 13 000 € par logement

« Notre vieille chaudière fioul arrivait en fin de vie, il faisait froid l’hiver et trop chaud l’été au dernier étage, on pensait faire des travaux, résume Michel Riou, président du conseil syndical de cette copropriété de 31 logements. Nous sommes tombés sur un article qui parlait d’Énergies Posit’if et des aides importantes accordées à la rénovation BBC. Ça a été le déclic. Notre immeuble, des années 1960, est une passoire énergétique. L’audit a été réalisé par un bureau d’études thermiques, un cabinet ­d’architectes et Énergies Posit’if. L’AG a voté pour le scénario BBC. On fait l’isolation complète par l’extérieur, on remplace la chaudière fioul par une chaudière gaz à condensation, on installe une VMC hygroréglable. On pose des panneaux solaires pour produire une partie de l’eau chaude et on change les fenêtres qui sont encore à simple vitrage. De 300 kWh/m2 par an, on passe à 90. Le coût est élevé, mais les aides réduisent la facture de beaucoup. Pour les 5 copropriétaires qui ont droit aux aides Anah, la prise en charge est même de 80 à 90 %. Cerise sur le gâteau, on fait poser de grands balcons : l’architecte nous a proposé de profiter de la rénovation pour en créer, une occasion unique d’avoir de l’espace à l’extérieur. Les copropriétaires qui en avaient les moyens ont pris l’option. »

Mais le conseil syndical a eu deux ans de travail intense. « Le plus dur a été de convaincre, reconnaît Michel Riou. Il a fallu communiquer énormément, expliquer, contrer les oppositions. Nous avons fait 4 AG en deux  ans. Chaque fois, Énergies Posit’if, le bureau d’études et l’architecte étaient là pour répondre aux questions. Sans l’appui ­d’Énergies Posit’if pour élaborer le projet et son financement, nous n’aurions jamais rénové BBC. »
Coût de la rénovation BBC : 911 000 € soit 29 400 € par logement
Aides région Île-de-France et Ademe : 324 800 €
Aides Anah + prime « habiter mieux » : 65 000 €
Crédit d’impôt : 120 000 €
Reste à charge : 401 160 €
Facture nette moyenne : 13 000 € par logement
Prêt collectif bonifié facultatif, au choix sur 5, 10 ou 15 ans.
Option grand balcon : 15 000 €

Les répartiteurs de frais de chauffage : une erreur magistrale

Ils sont obligatoires d’ici mars 2017. Si la ministre de l’Écologie persiste dans l’erreur en signant le décret de généralisation, les copropriétés en chauffage collectif devront toutes en équiper leurs radiateurs. Faute de quoi, les sanctions seront lourdes : 1 500 € par logement ! À croire qu’elle juge ces répartiteurs cruciaux pour la transition énergétique. Or c’est tout l’inverse, il s’agit même de l’arme antirénovation par excellence. Le gouvernement voudrait tuer ce marché qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Certes, a priori, l’idée de faire payer chacun en fonction de sa consommation relève du bon sens. Mais si l’eau se prête au décompte individuel, ce n’est pas le cas du chauffage. La chaleur se diffuse, le logement qui coupe ses radiateurs est chauffé par les voisins, et tous les immeubles comptent des appartements mieux situés que d’autres. Certains profitent des répartiteurs, d’autres non. Et pour les résidents bien situés, pas question de voter en faveur de gros travaux de rénovation énergétique à l’AG ! Adieu la rénovation BBC que la loi de transition énergétique veut promouvoir.

Lobbying réussi

Quant à la supposée « individualisation des frais de chauffage », c’est un leurre. Les 60 € facturés pour les relevés amputent sérieusement les éventuelles économies. D’ailleurs, le puissant mouvement HLM, très soucieux de la réduction des charges, s’y oppose avec force. L’Union sociale pour l’habitat s’est même associée à l’ARC (Association des responsables de copropriété) pour dénoncer « une mesure inutile et coûteuse ». Cette situation ubuesque est le fruit d’une opération de lobbying réussie. À la manœuvre, le Syndicat de la mesure. Pour ses adhérents, le marché national des répartiteurs, c’est le jackpot. Il a su faire passer cet intérêt privé pour un enjeu national. Chapeau

*Source : UFQ Que Choisir